Changement Technologique Biaisé et Inégalité des Salaires: Cas de la Tunisie

Abstract:

L'avènement de l'économie numérique au travers de la dissémination des technologies  de l'information et de la communication est rendu le plus souvent responsable de l’accroissement des inégalités des salaires. Cette opinion a été formée à travers l'expérience passée qui témoigne que l'arrivée d'une nouvelle vague d'innovations technologiques a coïncidé aux Etats-Unis avec un accroissement considérable des inégalités, entre qualifications et au sein de chaque catégorie socioprofessionnelle (Quinet, 2000). Cette coïncidence a alimenté la thèse d'un biais technologique qui peut se décliner sous différentes versions. Le présent article s’inscrit dans la perspective de produire et d'apporter un éclairage complémentaire au phénomène ambiguë du "changement technologique biaisé" ou encore "Skill-biased technological change" et de tester cette hypothèse dans le contexte d’un pays en développement de la région MENA. Bien que nombreuse études empiriques ont soutenu cette hypothèse pour le cas américain et européen, l’exploration de tel sujet dans le contexte tunisien demeure encore pertinent. L’estimation d’un modèle logit multinomial ordonné sur 902 salariés travaillant dans le secteur industriel, administratif et celui des services confirment l’existence d’un biais technologique en faveur des plus instruits. Toutefois, ce n’est plus l’accès ou l’usage intensif des TIC au travail qui favorise certains salariés vis-à-vis d’autres en termes de rémunération, c’est plutôt la qualité d’usage des TIC et les compétences numériques dont dispose le salarié qui contribue à creuser les inégalités. Encore plus, ce sont les capacités de chercher, sélectionner, traiter et évaluer l’information en fonction des besoins spécifiques et les capacités de l’utiliser pour la réalisation des objectifs spécifiques et l’amélioration de sa position dans la société qui sont au cœur du problème, et non pas la simple manipulation des technologies numériques et de ses structures. Enfin, le changement organisationnel contribue également à l’amplification des inégalités des salaires existantes. En effet, la probabilité de toucher un salaire élevé vs moyen et faible est d’autant plus élevée que le salarié est autonome dans l’exécution de ses taches et qu’il travaille par projet. Néanmoins, plusieurs autres types d’organisation (le travail en équipe, la rotation des postes, la participation à la prise de décision, la coopération)  ne possèdent aucun effet significatif favorable sur l’évolution du salaire. Ceci traduit une faiblesse de l’organisation du travail dans les firmes tunisiennes.